« Présence de Tewfik el-Madani » par Ahmed Cheniki

Dans les affaires de mon oncle Mohamed Islam, j’ai retrouvé une coupure de journal portant article sur Ahmed Tewfik el-Madani rédigé par Ahmed Cheniki. La coupure en question ne rends pas compte du nom du journal ni de la date. Elle est toutefois postérieure à la mort d’ATM.

Voilà l’image de la coupure:

Présence de Tewfik el-Madani

Ci-après le texte de l’article:

Tewfik El Madani s’en va. A l’âge de 84 ans. Il nous quitte an laissant une somme d’écrits politiques et historiques qui nous restituent un passé grandiose et paradoxal à la fois et qui’ se conjuguent sans doute au présent et au futur. Homme politique, témoin et acteur de l’Histoire de l’Algérie, Tewfik El Madani a durant toute sa vie été présent sur tous les terrains où s’affirmait la revendication nationale. D’ailleurs, son premier travail sérieux est une réponse à certains historiens qui prétendaient que l’Algérie était une création récente, c’est-­à-dire un rejeton romain. Il parcourt une documentation impressionnante et arrive à rejeter – preuves à l’appui – cette thèse bouffonne et découvre que le peuple algérien avait combattu Rome pendant environ six siècles. C’était là sa première contribution à la lecture de l’Histoire d’Algérie. Il avait moins de 26 ans, c’est-à-dire un âge où on n’est pas’ souvent prêt de se lancer dans une grande aventure de cette importance. Turbulent, subversif jusqu’à son dernier petit, doigt, il connaît l’exil, la prison et l’espoir. A 16 ans, il fait la connaissance d’une petite cellule d’une prison infecte de Tunis. 4 années de tôle pour avoir participé activement à une manifestation anti coloniale. L’armistice de 1918 lui permet de rejoindre la vie politique. II fonde, avec quelques amis, le Parti Destourien. Il est son secrétaire général adjoint. En 1925, de grandes manifestations sont réprimées à Tunis. Les autorités coloniales l’exilent ­en Algérie ou plutôt le renvoient dans son propre pays qu’il servira d’ailleurs en occupant divers postes politiques et en tentant d’écrire son Histoire jus­qu’à la fin de sa vie. 22 ouvrages dont un grand nombre Sur l’Histoire de l’Algérie et se rapportant plus particulièrement à la période Ottomane sont réalisés. Co-fondateur de’ l’Association des Oulémas avec Abdelhamid Ben Badis qu’il rencontre vers le début des années 20, il représente l’aile éclairée et progressiste de cette organisation qui avait pour objectif essentiel la défense de la personnalité et, de la culture algérienne; JI participe d’ailleurs en 1927 à la création du Nadi Ettaraki (cercle de l’évolution) qui sera par la suite un extraordinaire lieu de rayonnement culturel. Sa rencontre avec Ben Badis lui permet de mieux saisir le pouls de la réalité politique algérienne. Ses articles dans Ech­Chihab et El Bassaïr où il expose le point de vue de l’association des Oulémas, font de lui un politicien averti qui d’ailleurs est désigné peu après comme membre de la délégation algérienne à l’extérieur. Il occupe tour à tour les postes de Président du Bureau du FLN au Caire, représentant auprès de la ligue arabe, ambassadeur et ministre du GPRA du premier et second gouvernement algérien, ambassadeur à Baghdad, Téhéran, Ankara et Karachi.

Tewfik Et Madani à  été donc un grand témoin et un acteur privilégié de l’Histoire de l’Algérie des 70 dernières années. L’exil et la prison lui ont appris l’alphabet de l’espoir et de la quête de temps nouveaux, dé temps où l’Algérien n’aura pas de peine à se reconnaître dans son originalité.

C’est vrai, les recherches Sur la période ottomane, sa tentative de dédouaner les Ottomans sont très discutées. Et c’est là, justement le propre de tout travail de recherche. Les résultats de son travail restent sujets à débat. Qui a connu de près ou de loin cet homme comprendra que c’est par patriotisme qu’il s’est engagé dans cette difficile tâche qu’est l’écriture-lecture de notre Histoire. Même parti, Tewfik El Madani n’est pas absent, Il est là présent dans tous les contours de la vie intellectuelle et culturelle.

Ce n’est pas du tout là une notice nécrologique comme il est de coutume de faire quand quelqu’un disparaît de cette terre. Mais acte et affirmation d’une présence.

 

Ahmed CHENIKI


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